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Dr.Lily
Fürstenow
res
amissa
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„La science manipule les choses et
renonce à les habiter. Elle s‘en donne des modèles internes et, opérant
sur ces indices ou variables les transformations permises par leur
définition, ne se confronte que de loin en loin avec le monde actuel.
Elle est, elle a toujours été,
cette pensée admirablement active, ingénieuse, désinvolte, ce parti
pris de traiter tout être comme « objet en général », c‘est-à-dire a la
fois comme s‘il ne nous était rien et se trouvait cependant prédestiné
à nos artifices.
(...)Il faut que la pensée de science - pensée de survol, pensée de
l‘objet en général - se replace dans un « il y a » préalable, dans le
site, sur le sol du monde sensible et du monde ouvré tels qu‘ils sont
dans notre vie, pour [13] notre corps, non pas ce corps possible dont
il est loisible de soutenir qu‘il est une machine à information, mais
ce corps actuel que j‘appelle mien, la sentinelle qui se tient
silencieusement sous mes paroles et sous mes actes.
Il faut qu‘avec mon corps se réveillent les corps associés, les «
autres », qui ne sont pas mes congénères, comme dit la zoologie, mais
qui me hantent, que je hante, avec qui je hante un seul Être actuel,
présent, comme jamais animal n‘a hanté ceux de son espèce, son
territoire ou son milieu.
Dans cette historicité primordiale, la pensée allègre et improvisatrice
de la science apprendra à s‘appesantir sur les choses mêmes et sur
soi-même, redeviendra philosophie.“
Maurice Merleau-Ponty, L’oeil et l’esprit. (1964) 11
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